mercredi 24 octobre 2012

Premiers émois

De ta tête, ôte ce panier
Naguère débordant de fraises,
C’est en prendre trop à son aise,
Tant bien que mal, nymphe, élevée.

Car sur les cendres de tes fraises
Les bravos ont fait relever
La tulle du lit où repose
La source d’hier, qui se tut.

Nymphe, m’apprivoisent tes cuisses,
Tes jambes à mon cou, statue,
Je courrais comme ondes bondissent,
Et arrivant en bas se tuent.
 
(Obligé qui voudrait y boire
Biche, de se mettre à genoux.)

Nymphe pensionnaire des bois
Me conviant à ce goûter,
Pour que commodément je puisse
Tes sauvages fraises brouter,
Demande aux ronces de ces bois
De lever ton tablier noir :

Ardeur de cheminée, à nous
Forestière tu te révèles,
Ton feu je l’allume à genoux
Comme aux sources lorsqu’on y boit.

Raymond Radiguet
Numphe émue
du recueil les joues en feu via la bibliothèque électronique du Québec
poèmes écrits entre 1917 et 1921 il avait donc entre 14 et 18 ans. Quelle précosité. Les poèmes étant publiés dans l'ordre chronologiques je m'amuse à rapprocher ce poème de celui ci écrit en premier donc vers 14 ans. On y trouve encore la référence à la fraise et à la biche.

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Automne

Tu le sais, inimitable fraise des bois
Comme un charbon ardent aux doigts de qui te cueille :
Leçons et rires buissonniers
Ne se commandent pas.

Chez le chasseur qui la met en joue
L’automne pense-t-elle susciter l’émoi
Que nous mettent au coeur les plus jeunes mois ?

Blessée à mort, Nature,
Et feignant encor
D’une Ève enfantine la joue
Que fardent non la pudeur mais les confitures
Ta mûre témérité
S’efforce de mériter
La feuille de vigne vierge.

Illustration : Frantz von  Bayros 1866-1924

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