dimanche 5 mai 2013

Les minettes de Léautaud

Marie Dormoy est une femme qui a eu des amants :

Lucien Michelot organiste et maitre de chapelle elle a 17 ans lui 40 elle l'excite et est excité d'un regard : M. Michelot me regarda de ses beaux yeux clairs et dit en riant : « Comme elle est gentille, la petite Marie. Regardez donc, Andrès, comme elle est gentille. –Je le vois bien », répondit Andrès, riant lui aussi. Pendant quelques secondes tous deux me regardèrent avec une expression telle qu’à la fin de ma vie j’en garde encore le souvenir. Ce double regard me rendit femme.

André Suarès et Auguste Perret dont elle sera la maitresse qui la laissera certainement frustré physiquement : cette nuit ne dormant pas, je faisais le point comme disent les marins : un an d’amour, quatre nuits d’amour, et trois cent soixante-et-une inutiles. Ne crois-tu pas que c’est à pleurer ?


Marie Dormoy bibliothécaire qui a la charge pour le Mercure de France de taper les manuscrits de Léautaud devait être autant fasciné par le coté spirituel de Léautaud que dégouté par son enveloppe physique : Je savais d’avance qu’avec lui il me faudrait admettre l’inadmissible, supporter l’insupportable, accepter l’inacceptable.

Il pense sexe, elle songe littérature. Et pour réaliser son grand œuvre révéler au monde le journal littéraire de Léautaud Marie Dormoy malgré son dégoût accepte le baiser du lépreux : Il me regarda, indécis, note Marie dans ses Mémoires, me prit dans ses bras, posa ses lèvres sur les miennes. Je n'avais pas prévu cela. Cette bouche édentée, ces lèvres mouillées, ce menton mal rasé…Je me résignai, me laissai faire. »

Mais lui ne le voit pas :
Après l'avoir vue nue un instant, être sage m'est dur. Enfin! Je lui donne des baisers sur le visage. En riant aussi, elle se plaint, ce n'est pas la première fois, que mes baisers, donnés à pleine bouche, lui mouillent le visage. Je lui dis que je ne sais pas donner des baisers tièdes, des baisers de blonde, que je suis un brun, moi .

Et la première fois où Marie Dormoy se donne :

La scène se passe chez elle, le 4 février 1933. « Aussitôt arrivé, il m'embrassa. Pour me dérober à cette caresse qui m'était un supplice, je m'en fus dans ma chambre et revins complètement nue sous un peignoir léger. Ses caresses se précisèrent et je pris goût à ces jeux voluptueux dont j'étais privée depuis de si longues années et qui, seuls, me comblaient. Il entreprit, à son tour, de se dévêtir. De ses vêtements entrouverts s'exhala une odeur fade qui me souleva le coeur, et comme il semblait assez fier de sa nudité, je ne trouvai à lui dire que cette phrase stupide : “Tu es priapique…” Afin d'arriver le plus tôt possible à une conclusion qui mettait fin à mon supplice, je m'étendis brusquement sur le tapis en lui disant : “Prends-moi.” Il crut ainsi que j'étais avide de ses baisers, de ses caresses.

Il pense que ses goûts pornographiques sont partagés. Mais elle sait elle ce qu'il pense:

Je pense que la capacité de faire l'amour constitue une grande part de l'être, une part qui a aussi son élément spirituel: le plaisir d'aller à un rendez-vous avec sa maîtresse. Le plaisir des baisers, de la vue, des caresses. Le plaisir du retour dans la rêverie du plaisir qu'on vient de donner et de recevoir, tout cela ajoute aux capacités de l'esprit, les complète, leur donne une excitation. On ne peut perdre cela sans que l'esprit, les facultés de l'intelligence en soient atteints. Certainement, il y a là comme une première déchéance. Si grand talent qu'ait un homme, ce talent perd quelque chose le jour qu'il perd la faculté amoureuse. Je pense cela profondément.
 
Et elle accepte beaucoup :

Elle a un visage délicieux quand elle me regarde lui faire minette, et avec quelle gourmandise, avalant tout.
Quand est-ce que je t'enfilerai ? — Demain. — Quand est-ce que je te ferai minette ?
Dix heures, place du Panthéon, à sa sortie de la Bibliothèque. Sitôt en voiture ... Je lui dis : « Bon ! Bon ! On pourra toujours se faire minette. » Elle répond : « Certainement. »

Petite séance, sur sa demande, de lui pisser sur le c ... à son grand délice, ensuite plaisir par derrière, entre ses cuisses et le visage penché en avant, regardant. Quand j'ai fini, ce mot: «C'est copieux!...» Et ensuite encore très tendre, charmante.

Je n'en revenais pas. M'a fait cette remarque, auparavant, sur le divan, quand, d'elle-même, elle a commencé à me caresser, que je suis beaucoup plus aimable quand j'ai fait l'amour, qu'avant, que même ma voix n'est plus la même, comme si le sperme me rendait nerveux, méchant, comme une chose dont j'ai à me délivrer. C'est assez curieux, car, généralement, on est plus aimable dans l'état de désir que lorsque celui-ci est satisfait. Toujours son visage grave en faisant l'amour. Je la regardais en train de me br...: très sérieuse. Je le lui dis en riant. Non! On ne dirait vraiment pas que tu tiens... Répondu qu'elle trouve toujours très grave de faire l'amour. Moi, je n'en reviens pas encore.

Et cette femme qu'il ne trouvait pas belle mais il n'avait pas mieux sous la main car il lui fallait une femme à disposition (car il ne semblait pas fréquenter les prostitués et n'était pas fait pour les petitesses de la drague) il va la découvrir et s'apaiser.

Elle a été jolie, voluptueuse au possible, merveilleuse comme toujours, à regarder, nue, le visage tout marqué par le plaisir, même des gestes très tendres et des regards. Quant à moi, je ne vais pas trop mal. Je suis resté en érection pendant trois quarts d'heure, du début de nos caresses à mon plaisir personnel.

Je lui ai dit lundi soir que, dimanche dernier, assise, nue, sur le lit, pour goûter, elle était un vrai Renoir - ce qui est vrai.
Elle était encore parfaitement jolie, le visage très expressif, ses merveilleux seins visibles presque en entier par l'échancrure d'un peignoir flottant. Il me semble que j'ai trouvé l'expression de son nu: un Renoir.
Je me suis assis à côté de sa baignoire. C'est vrai ce que je lui ai dit des mille nuances de tendresse que me font éprouver certaines de ses façons de me faire plaisir, de se montrer tendre elle-même. Pour la première fois de ma vie, je trouve une femme à qui pouvoir parler de cette sorte. J'ai même fini par tourner cela en plaisanterie, en disant qu'il m'arrivera peut-être, moi qui ai toujours célébré uniquement le derrière, de tomber dans l'amour platonique, en quoi m'aidera la nature un jour en me supprimant tous moyens. 

Ce journal d'un amour véritable et non celui de l'érotisme bla bla bla du plaisir partagé.

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