samedi 4 janvier 2014

Cabello de ángel

On ne peut quitter Paul quand on parle de Cunnilingus. Aujourd'hui c'est le recueil Parallèlement et la partie Filles. La lecture d'Olivier Bivort (Università di Trieste), Don Pablo Maria de Herlañes ou la ferveur espagnole de Verlaine, m'a permis de comprendre le titre et l'épigraphe de la poésie à la princesse Roukhine.

À la princesse Roukhine

Le mot rouquin (et son féminin, rouquine) est tout récent à l’époque : il n’est attesté qu’en 1885 dans le sens de « personne qui a des cheveux roux ». En l’affublant d’un k et d’un h, suivis de la finale –ine, Verlaine donne un air slave à ce mot d’origine champenoise devenu argotique en français « central ».
La princesse Roukhine n'est pas une princesse russe mais une prostituée. Nous avons déjà vu l'obsession de Verlaine pour les roux.


« Capellos de Angelos. »

L’épigraphe de « À la princesse Roukhine » est « “Capellos de Angelos” (Friandise espagnole.) ». Or le nom de cette préparation (filaments de couleur jaune-orange préparés avec du potiron, de l’eau et du sucre) est, en castillan, cabello de ángel. Ces deux « barbarismes » résultent en fait d’un télescopage entre deux langues : l’italien (capello et angelo) et l’espagnol (la préposition de et le pluriel en s). Il n’y a, à mon sens, ni confusion entre les b et les p, ni méprise sur l’origine de ce mets, mais, pour rester dans la terminologie culinaire, « salade bi-péninsulaire » comme Verlaine lui-même qualifie ce type de rencontre entre l’italien et l’espagnol dans une de ses lettres. L’épigraphe polyglotte du poème (paru en préoriginale dans La Vogue du 23 août 1886) continue un jeu de langue et une antiphrase inaugurés dans le titre.
Les cabello[s] de ángel, « fête pour la bouche », se réfèrent à une autre toison, « comme une flamboyante enceinte / Aux entours de la porte sainte »… Ainsi le russe, l’italien et l’espagnol sont-ils mêlés en une sorte d’exotisme linguistique attenant, encore une fois, à l’érotisme.

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C'est une laide de Boucher
Sans poudre dans sa chevelure
Follement blonde et d'une allure
Vénuste à tous nous débaucher.

Mais je la crois mienne entre tous,
Cette crinière tant baisée,
Cette cascatelle embrasée
Qui m'allume par tous les bouts.

Elle est à moi bien plus encor
Comme une flamboyante enceinte
Aux entours de la porte sainte,
L'alme, la dive toison d'or !

Et qui pourrait dire ce corps
Sinon moi, son chantre et son prêtre,
Et son esclave humble et son maître
Qui s'en damnerait sans remords,

Son cher corps rare, harmonieux,
Suave, blanc comme une rose
Blanche, blanc de lait pur, et rose
Comme un lys sous de pourpres cieux ?

Cuisses belles, seins redressants,
Le dos, les reins, le ventre, fête
Pour les yeux et les mains en quête
Et pour la bouche et tous les sens ?

Mignonne, allons voir si ton lit
A toujours sous le rideau rouge
L'oreiller sorcier qui tant bouge
Et les draps fous. Ô vers ton lit !


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D'autres vers de Filles dans Parallèlement

Séguidille

Ah, ton corps ; qu’il repose
Sur mon âme morose
Et l’étouffe s’il peut,
Si ton caprice veut,
Encore, encore, encore !
Splendides, glorieuses,
Bellement furieuses
Dans leurs jeunes ébats,
Fous mon orgueil en bas
Sous tes fesses joyeuses !

dubigeon

Casta Piana
Ne fronce plus ces sourcils-ci,
Casta, ni cette bouche-ci,
Laisse-moi puiser tous tes baumes,
Piana, sucrés, salés, poivrés,
Et laisse-moi boire, poivrés,
Salés, sucrés, tes sacrés baumes.

Auburn
Sûre de baisers savoureux
Dans le coin des yeux, dans le creux
Des bras et sur le bout des mammes,
Sûre de l’agenouillement
Vers ce buisson ardent des femmes
Follement, fanatiquement !

Illustration Loïc Dubigeon

2 commentaires:

  1. j'ai cru a la disparitions de ce blog que apprécie je suis heureux de voir que ce n’étais pas le cas merci pour votre travaille.

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  2. Merci pour ce premier commentaire. Planète cunnilingus n'est pas supprimé bien au contraire mais ayant tellement copier les articles de l'ancien blog baiserfrancais le site a pensé que j'étais un robot.

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