dimanche 2 février 2014

Le clitoris madeleine de Proust

A nouveau Ceriselibertine n’a peur de rien et après la Genèse, la Vénus de Titien et le Citizen Kane d’Orson Welles je m’attaque à la madeleine de Marcel Proust et j’ose affirmer que le clitoris est la vraie madeleine.
  
D’abord je remarque que le narrateur se place au niveau du sexe de ses personnages 

J’avais, comme je l’ai dit, délaissé le point de vue merveilleux, si confortablement aménagé au haut de la maison, d’où l’on embrasse les pentes accidentées par où l’on monte jusqu’à l’hôtel de Bréquigny, et qui sont gaiement décorées à l’italienne par le rose campanile de la remise appartenant au marquis de Frécourt. J’avais trouvé plus pratique, quand j’avais pensé que le duc et la duchesse étaient sur le point de revenir, de me poster sur l’escalier. (…)

À défaut de la contemplation du géologue, j’avais du moins celle du botaniste et regardais par les volets de l’escalier le petit arbuste de la duchesse et la plante précieuse exposés dans la cour avec cette insistance qu’on met à faire sortir les jeunes gens à marier, et je me demandais si l’insecte improbable viendrait, par un hasard providentiel, visiter le pistil offert et délaissé. La curiosité m’enhardissant peu à peu, je descendis jusqu’à la fenêtre du rez-de-chaussée, ouverte elle aussi, et dont les volets n’étaient qu’à moitié clos. 

 
Le narrateur décrit son travail de botaniste des sexes, du sexe. 

Puis me rendant compte que personne ne pouvait me voir, je résolus de ne plus me déranger de peur de manquer, si le miracle devait se produire, l’arrivée presque impossible à espérer (à travers tant d’obstacles, de distance, de risques contraires, de dangers) de l’insecte envoyé de si loin en ambassadeur à la vierge qui depuis longtemps prolongeait son attente. Je savais que cette attente n’était pas plus passive que chez la fleur mâle, dont les étamines s’étaient spontanément tournées pour que l’insecte pût plus facilement la recevoir ; de même la fleur-femme qui était ici, si l’insecte venait, arquerait coquettement ses « styles », et pour être mieux pénétrée par lui ferait imperceptiblement, comme une jouvencelle hypocrite mais ardente, la moitié du chemin. Les lois du monde végétal sont gouvernées elles-mêmes par des lois de plus en plus hautes. Si la visite d’un insecte, c’est-à-dire l’apport de la semence d’une autre fleur, est habituellement nécessaire pour féconder une fleur, c’est que l’autofécondation, la fécondation de la fleur par elle-même, comme les mariages répétés dans une même famille, amènerait la dégénérescence et la stérilité, tandis que le croisement opéré par les insectes donne aux générations suivantes de la même espèce une vigueur inconnue de leurs aînées. Cependant cet essor peut être excessif, l’espèce se développer démesurément ; alors, comme une antitoxine défend contre la maladie, comme le corps thyroïde règle notre embonpoint, comme la défaite vient punir l’orgueil, la fatigue le plaisir, et comme le sommeil repose à son tour de la fatigue, ainsi un acte exceptionnel d’autofécondation vient à point nommé donner son tour de vis, son coup de frein, fait rentrer dans la norme la fleur qui en était exagérément sortie. Mes réflexions avaient suivi une pente que je décrirai plus tard et j’avais déjà tiré de la ruse apparente des fleurs une conséquence sur toute une partie inconsciente de l’oeuvre littéraire, quand je vis M. de Charlus qui ressortait de chez la marquise.
  
Le début de la partie 2 n’est pas moins sexuel, plus que phallique je le découvre clitoridien.

Bien qu’il fût plus de neuf heures, c’était lui encore (le jour d’été) qui sur la place de la Concorde donnait à l’obélisque de Louqsor un air de nougat rose 

Les descriptions de visage par Proust nous ramène en permanence à voir non pas le visage mais le sexe de la femme.
  • Albertine, rose, pelotonnée comme une grosse chatte, le nez mutin
  • la mine éveillée et rougissante d’une chatte mutine et perverse au petit nez rose et levé
  • son petit nez rose de chatte
  • Le rose ou la rose reviennent souvent : dame en rose, aubépine rose, le fromage à la crème rose, l'air d'une rose stérilisée, les roses apparitions
Les expressions triviales ci dessous désignent le cunnilingus
 (elle) avoua qu’elle aimerait me voir «porter la moustache». Elle alla même, et mes chances me parurent alors très grandes, jusqu’à prononcer, terme que, je l’eusse juré, elle ignorait l’année précédente, que depuis qu’elle avait vu Gisèle il s’était passé un certain «laps de temps». Ce n’est pas qu’Albertine ne possédât déjà quand j’étais à Balbec un lot très sortable de ces expressions qui décèlent immédiatement qu’on est issu d’une famille aisée, et que d’année en année une mère abandonne à sa fille comme elle lui donne au fur et à mesure qu’elle grandit, dans les circonstances importantes, ses propres bijoux. On avait senti qu’Albertine avait cessé d’être une petite enfant quand un jour, pour remercier d’un cadeau qu’une étrangère lui avait fait, elle avait répondu: «Je suis confuse.» (…)
«Laps de temps» me sembla de meilleur augure encore. Enfin m’apparut l’évidence de bouleversements que je ne connaissais pas mais propres à autoriser pour moi toutes les espérances, quand Albertine me dit, avec la satisfaction d’une personne dont l’opinion n’est pas indifférente:
— C’est, à mon sens, ce qui pouvait arriver de mieux.... J’estime que c’est la meilleure solution, la solution élégante.
C’était si nouveau, si visiblement une allusion laissant soupçonner de si capricieux détours à travers des terrains jadis inconnus d’elle que, dès les mots «à mon sens», j’attirai Albertine, et à «j’estime» je l’assis sur mon lit. Source 

Lui, du moins, va droit au but! me dit Albertine d’un air de reproche.—Vous me dites cela parce que vous ne savez pas ce que j’aurais voulu vous dire. Mais c’est tellement difficile que j’aime mieux y renoncer; je suis certain que je vous fâcherais; alors cela n’aboutira qu’à ceci: je ne serai en rien plus heureux avec celle que j’aime d’amour et j’aurai perdu une bonne camarade.—Mais puisque je vous jure que je ne me fâcherai pas.» Elle avait l’air si doux, si tristement docile et d’attendre de moi son bonheur, que j’avais peine à me contenir et à ne pas embrasser, presque avec le même genre de plaisir que j’aurais eu à embrasser ma mère, ce visage nouveau qui n’offrait plus la mine éveillée et rougissante d’une chatte mutine et perverse au petit nez rose et levé, mais semblait dans la plénitude de sa tristesse accablée, fondu, à larges coulées aplaties et retombantes, dans de la bonté.(…) 
Et attirant ma tête pour une caresse qu’elle ne m’avait encore jamais faite et que je devais peut-être à notre brouille finie, elle passa légèrement sa langue sur mes lèvres, qu’elle essayait d’entr’ouvrir. Pour commencer je ne les desserrai pas. «Quel grand méchant vous faites!» me dit-elle. Source 
Aussi, ce soir-là, me lança-t-elle un regard moitié souriant, moitié inquiet, en courbant son petit nez rose de chatte. En effet, croisant sur sa jupe de crêpe de chine gris, sa jaquette de cheviote grise laissait croire qu’Albertine était tout en gris. Mais me faisant signe de l’aider, parce que ses manches bouffantes avaient besoin d’être aplaties ou relevées pour entrer ou retirer sa jaquette, elle ôta celle-ci, et comme ces manches étaient d’un écossais très doux, rose, bleu pâle, verdâtre, gorge-de-pigeon, ce fut comme si dans un ciel gris s’était formé un arc-en-ciel. Et elle se demandait si cela allait plaire à M. de Charlus. «Ah! s’écria celui-ci ravi, voilà un rayon, un prisme de couleur. Je vous fais tous mes compliments.—Mais Monsieur seul en a mérité, répondit gentiment Albertine en me désignant, car elle aimait montrer ce qui lui venait de moi Source 
Et dans la scène de la chambre est-ce vraiment le visage d’Albertine que le narrateur décrit (célèbre scène qui contient ce dialogue:
— Faut-il que j’éteinde?
— Teigne? glissa à mon oreille Albertine, me laissant charmé par la vivacité familière avec laquelle, me prenant à la fois pour maître et pour complice, elle insinua cette affirmation psychologique dans le ton interrogatif d’une question grammaticale.
Quand Françoise fut sortie de la chambre et Albertine rassise sur mon lit:
— Savez-vous ce dont j’ai peur, lui dis-je, c’est que si nous continuons comme cela, je ne puisse pas m’empêcher de vous embrasser.
— Ce serait un beau malheur.
Je n’obéis pas tout de suite à cette invitation, un autre l’eût même pu trouver superflue, car Albertine avait une prononciation si charnelle et si douce que, rien qu’en vous parlant, elle semblait vous embrasser. Une parole d’elle était une faveur, et sa conversation vous couvrait de baisers.
Mais en laissant mon regard glisser sur le beau globe rose de ses joues, dont les surfaces doucement incurvées venaient mourir aux pieds des premiers plissements de ses beaux cheveux noirs qui couraient en chaînes mouvementées, soulevaient leurs contreforts escarpés et modelaient les ondulations de leurs vallées, je dus me dire: «Enfin, n’y ayant pas réussi à Balbec, je vais savoir le goût de la rose inconnue que sont les joues d’Albertine. Et puisque les cercles que nous pouvons faire traverser aux choses et aux êtres, pendant le cours de notre existence, ne sont pas bien nombreux, peut-être pourrai-je considérer la mienne comme en quelque manière accomplie, quand, ayant fait sortir de son cadre lointain le visage fleuri que j’avais choisi entre tous, je l’aurai amené dans ce plan nouveau, où j’aurai enfin de lui la connaissance par les lèvres.» Je me disais cela parce que je croyais qu’il est une connaissance par les lèvres; je me disais que j’allais connaître le goût de cette rose charnelle, parce que je n’avais pas songé que l’homme, créature évidemment moins rudimentaire que l’oursin ou même la baleine, manque cependant encore d’un certain nombre d’organes essentiels, et notamment n’en possède aucun qui serve au baiser. A cet organe absent il supplée par les lèvres, et par là arrive-t-il peut-être à un résultat un peu plus satisfaisant que s’il était réduit à caresser la bien-aimée avec une défense de corne. Mais les lèvres, faites pour amener au palais la saveur de ce qui les tente, doivent se contenter, sans comprendre leur erreur et sans avouer leur déception, de vaguer à la surface et de se heurter à la clôture de la joue impénétrable et désirée. D’ailleurs à ce moment-là, au contact même de la chair, les lèvres, même dans l’hypothèse où elles deviendraient plus expertes et mieux douées, ne pourraient sans doute pas goûter davantage la saveur que la nature les empêche actuellement de saisir, car, dans cette zone désolée où elles ne peuvent trouver leur nourriture, elles sont seules, le regard, puis l’odorat les ont abandonnées depuis longtemps. D’abord au fur et à mesure que ma bouche commença à s’approcher des joues que mes regards lui avaient proposé d’embrasser, ceux-ci se déplaçant virent des joues nouvelles; le cou, aperçu de plus près et comme à la loupe, montra, dans ses gros grains, une robustesse qui modifia le caractère de la figure.
Était-ce parce que nous jouions (figurée par la révolution d’un solide) la scène inverse de celle de Balbec, que j’étais, moi, couché, et elle levée, capable d’esquiver une attaque brutale et de diriger le plaisir à sa guise, qu’elle me laissa prendre avec tant de facilité maintenant ce qu’elle avait refusé jadis avec une mine si sévère? 
Pour finir Balbec me fait penser à Malbec (mauvaise bouche) et je salut les producteurs de la petite madeleine 100% Malbec.

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